Si le spectacle livré samedi dernier par ce guitariste hors pair était vraiment un très grand succès, la mythique place Bab Al Makina, elle, a été incapable jeudi soir de contenir la marée humaine venue assister à la prestation toute en beauté de la chanteuse syrienne Assala Nasri. Pour ce concert prévu à 21h00, il fallait en effet faire preuve de beaucoup de patience et surtout garder son sang-froid. Des embouteillages monstres se sont formés dès 19h00 sur les routes de Bab Boujloud et Aïn Kadouss, et les automobilistes devaient garer leurs voitures plus loin et marcher beaucoup à pied pour accéder au site. Car il n'y avait pas seulement les habitants de la capitale spirituelle qui voulaient contempler leur idole. Les voitures avec des plaques d'immatriculation de Rabat, Casablanca ou Taza étaient tout aussi nombreuses. Pour avoir le privilège d'assister à ce spectacle, la majorité de ce beau monde s'est acquitté volontiers de 400 DH, puisque les places à 200 DH se sont vendues comme du petit pain, et dès les premiers jours du Festival. Mais celui qui aime ne compte pas, répondront les fans de l'artiste ! A l'entrée de Bab Al Makina, les forces de l'ordre et les préposés à la sécurité ont été débordé par moments par la foule. Quand Assala Nasri fera son apparition sur scène, avec un petit quart d'heure de retard sur l'heure prévue, le public se laissa emporter par la voix d'enfant, et teintée de chagrin, de cette légende de la chanson arabe contemporaine, créant une ambiance de fête exceptionnelle. L'artiste enchaîne, sans aucun répit, les titres à succès de son riche répertoire à la gloire de l'amour, de la patrie et de la beauté : «Ya majnoune», «Samihtek», «Ouala Tssadak», ou «Yamine Allah» etc.. Sa voix mélodique et les célèbres mawals de Sabah Fakhri retentissaient plus loin. Dans sa communion avec le public marocain, Assala Nasri est allée jusqu'au bout jeudi soir, en interprétant avec brio «J'en ai marre», la chanson de sa «grande amie», la marocaine Asmaa Menouar. Et chose promise chose due. En conférence de presse d'avant concert, elle a avait promis une «surprise» au public du Festival et elle a vraiment tenu parole. Accompagnée par le maestro Yahya Mouji, un grand nom de la scène artistique arabe, elle a chanté des morceaux à la gloire de l'art, et qu'il a dédiés à la mémoire de feu Sa Majesté Hassan II, un «grand homme d'Etat qui appréciait beaucoup l'art et les artistes», explique-t-elle. Il faut dire que pour sa première prestation au Festival de Fès des musiques sacrées, l'artiste a comblé ses fans et son spectacle a fait oublier l'absence surprise d'artistes arabes de ce calibre à cette édition. Fès représente en effet beaucoup pour cette artiste, comme elle l'a reconnu elle-même. Elle la renvoie à ses années d'enfance dans les ruelles de Damas, qui ont de grandes similitudes avec celles de la cité spirituelle du Maroc. Il faut dire aussi que si les yeux étaient rivés jeudi soir sur l'artiste, les coeurs l'étaient sûrement vers la Syrie, son pays d'origine ravagé par la guerre. Et comme l'a si bien dit Assala, qui a clamé très tôt son soutien à l'opposition, la chanson peut aider à «résoudre la crise» et «l'artiste a toujours un message de paix et d'amour à véhiculer». Originaire de Damas, Assala Nasri a évolué dans un milieu avide d'art et de chants. Son père n'est autre que le grand artiste, Mustapha Nasri. Jeune enfant, elle était un fan de la diva de la chanson arabe de tous les temps, Oum Kalthoum, et du rossignol Abdelhalim Hazef, mais son idole préféré n'était autre que Fairouz, la cantatrice à la voix angélique. Law tiaarafou (Si vous le saviez!), enregistré au Caire en 1993, était son premier album qui a enchanté un public épris d'art raffiné. Après ce premier succès vint (Ouala Tssadak), ensuite (Ighdab) où elle chanta pour le grand poète syrien Nizar Kabani. Cette chanson a permis à Assala de se joindre à toutes les grandes stars qui ont chanté pour ce poète. Assala continua son itinéraire artistique avec plusieurs albums, notamment «Albi Biértahlak», Ya Magnoun», «Yamine Allah», «Awgat», Hayati. Le style Khaliji, qu'elle interprète à merveille, a contribué encore plus à la réussite de sa carrière artistique, surtout avec le lancement du premier album 100% Khaliji Awgat en 2004. Aujourd'hui, c'est une artiste majeure du monde arabe qui s'est produite jeudi soir à Fès.
Fournisseur / Source : MAP, Le Matin