À l'occasion de la célébration du Mois du patrimoine du 18 avril au 18 mai, la ville de Fès a abrité des débats, des tables rondes et des journées d'étude sur la question. Et comme d'habitude, différents intervenants rappellent que la médina de Fès, la plus médiévale des villes d'Afrique du Nord, est classée en 1981 sur la liste des patrimoines mondiaux de l'humanité par l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et que sa sauvegarde et la préservation de son authenticité se trouvent confrontées à plusieurs obstacles. Il est cité notamment la pression démographique, le menaçant ruine et le manque de moyens financiers. Or il a été question que tous les intervenants dans la réhabilitation de la médina de Fès (ministère de la Culture, ministère du Tourisme, autorités locales, etc.) doivent conjuguer leurs efforts pour lutter contre les contraintes qui pèsent sur la préservation de ce joyau du patrimoine mondial de l'humanité. Mais au-delà des paroles, tout ce qui est fait depuis les années 80 et 90, en réponse à ces problématiques de la médina, de la Lettre royale au lancement des projets pilotes de mécènes et des projets structurants dans le cadre du programme de la Banque mondiale et du programme menaçant ruine, demeure très insuffisant. Ses riads, médersas, fontaines et fondouks tombent en ruine et son cachet architectural se détériore. Et ce, malgré de nombreuses bonnes initiatives, telles que le lancement du Plan de développement touristique PDRT avec, entre autres, l'acquisition des anciennes maisons pour leur reconversion en hôtellerie de charme, le Programme du tourisme chez l'habitant, l'encouragement de l'offre (Maisons d'hôtes), la reconversion de certains fondouks en des lieux d'hébergement et en des lieux d'exposition d'artisanat et la réhabilitation des espaces comme le triangle My Driss-Karaouiyine-Sidi Ahmed Tijani, quartier Aïn Azliten et Bin Lamdoun, médersas, Place Boujloud, Place R'cif et Oued El Jawahir. Aussi, des bénévoles, des artistes-peintres, des étudiants ou simplement des passionnés du patrimoine travaillent dans le cadre d'associations pour la sauvegarde de ce capital historique. La plus dynamique est l'Association des jeunes volontaires des chantiers internationaux qui a travaillé sur plusieurs sites historiques en partenariat avec des organismes étrangers, dont le réseau Rempart et Solidarité et Jeunesse en France et d'autres associations en Belgique et en Italie. Et s'appuie sur des bénévoles, des artistes-peintres et des experts dans la restauration des monuments ou dans les techniques de construction et qui ont participé à la restauration des Medersas comme Charratine et autres anciennes demeures et monuments de la ville.
À noter que l'Agence de dédensification et de réhabilitation de la médina de Fès (A.D.E.R) pilote aussi des restaurations. Elle s'engage à financer 50% des frais de restauration de certaines anciennes demeures et propose aux propriétaires de financer le complément. Mais l'initiative est handicapée par le fait que la plupart des habitants n'ont pas les moyens pour verser leur part. De son côté, le conseil de la ville participe aux restaurations de certaines demeures, mais ses interventions dépendent souvent, selon les observateurs, de la proximité des propriétaires au parti politique dominant. Il se contente de soutenir des demeures et des ruelles depuis plusieurs années, par des piliers en bois et en acier qui les défigurent.
Aujourd'hui, la seule issue à la situation désastreuse des monuments et demeures traditionnelles de Fès est le Programme quinquennal de restauration (2013-2017) lancé récemment par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. D'un investissement total de 615 millions de dirhams, ce programme devrait concerner prés de 4 000 bâtisses menaçant ruine ainsi que 27 monuments et sites historiques de la médina de Fès. Le programme de restauration devrait aussi couvrir des tanneries, des ponts et des médersas édifiées par la dynastie des Mérinides entre les 13e et 14e siècles. Il reste qu'il est nécessaire que les responsables locaux soient à la hauteur de ce grand chantier de sauvegarde et qu'ils prennent enfin conscience qu'un pan important du patrimoine humain est en voie de disparition et qu'une stratégie de réhabilitation globale de la médina s'impose aujourd'hui plus que jamais.
Des experts étrangers qui participent au chantier de l’Association des jeunes volontaires des chantiers internationaux, ont souvent pointé du doigt les restaurations et réhabilitations anarchiques de la médina de Fès, pilotées par le privé ou par certains organismes, dont le conseil de la ville où l’on utilise le ciment qui est un matériau non adapté à tous les supports. Selon eux, le ciment est un matériau étanche qui emprisonne l’humidité dans les pierres ou le bois, ce qui détériore les anciens bâtis et monuments historiques et entraine leurs destructions au fil des années. Un constat que nous dénonçons depuis quelques années dans les colonnes du journal «Le Matin». Mais la situation perdure et le lobby du ciment semble, hélas, avoir le dernier mot…
Fournisseur / Bron : Rachida Bami, Le Matin